Compte-rendu du COLLOQUE Pollution diffuse des sols :
quels risques et quelles gestions ?
18 mars 2016 -Université de NANTES ( LPG)
INTRODUCTION
La journée s’est ouverte avec des définitions et constats de la situation des sols.
→ Le sol est une ressource fragile et limitée.
→ La destruction des sols est 10 à 50 fois plus rapide que la création d’un sol.
→ Le sol à l’opposé de l’eau et de l’air n’est concerné par aucune directive européenne le protégeant.
PREMIER VOLET
La pollution diffuse des sols :
→Comment caractériser une pollution ? Avec quels protocoles et quels outils ?
Définition de la pollution diffuse (ou indirecte) : concentration plus faible que sur une pollution ponctuelle mais sur une plus grande étendue et difficile à circonscrire car les émetteurs et récepteurs sont souvent multiples.
Il est aujourd’hui possible de détecter des pollutions sur site avec une précision relativement importante. De nouveaux outils de mesure existent, permettant des mesures directes « in situ » (exemple méthode liée à la fluorescence X , qui, grâce à un spectromètre donne en direct des fourchettes de teneurs en métaux. Ce type de mesure permet, sur site d’adapter l’échantillonnage à ce qu’on découvre, mais doit être corrélé à des analyses complémentaires en laboratoire.
Etude de cas relaté concernant un jardin partagé établi sur une ancienne zone de remblais apportée lors de la construction du périph ‘ nantais). Les analyses ont révélé un taux d’arsenic très élevé (sol trop pollué pour l’alimentation) présent à l’état naturel dans les remblais déplacés.
Des études révèlent qu’un tiers du territoire de Loire Atlantique possède un taux élevé en arsenic. On parle « d’anomalie de présence ». Celle ci est cependant naturelle.
En effet, il existe des pollutions d’origine anthropique (de l’homme) mais aussi des pollutions naturelles liées à la nature des sols.
DEUXIEME VOLET
L’évaluation des risques :
→ Quelle démarche, quelle place (quelles réactions face aux risques), et quelles limites ?
Quelle démarche ?
En France, on gère les sites seulement lorsqu’il y a risque, alors que dans d’autres pays on le fait en fonction des seuils de pollution.
Pour l’instant la tendance majoritaire de gestion des sols pollués, en particulier pour les fortes pollutions localisées, consiste à les excaver et les envoyer en centre de traitement. Le sol pollué est alors devenu un déchet. Cependant, cette façon de faire est remise en question par le monde scientifique présent car l’excavation entraîne d’autres problèmes tels que l’encombrement des décharges, le coût du transport etc.
Il y a donc une recherche pour de nouvelles gestions.
Quelles réactions face au risque ?
L’approche sociologique nous apprend que la population locale confrontée à une pollution de sols (comme avec une ancienne carrière d’extraction d’uranium, d’anciennes mines etc) peut bien réagir face au risque comme très bien oublier ou encore négocier le risque pour en tirer avantage.
On apprend que les rapports sont conditionnés par la géographie du site, l’histoire locale de la population, le comportement des collectivités, des entreprises etc.
Ainsi il existe trois configurations d’évolution de rapports entre la population locale et le problème :
→ Le conflit / la sanctuarisation (le site est fermé et signalé comme dangereux et procédure judiciaire en cours par exemple)
→ L’oubli / la réminiscence (ex les mines d’uranium de Piriac : le site a été oublié et récemment redécouvert)
→ La négociation / les usages locaux (ex le site de la commanderie (aussi ancienne mine d’uranium) : reconversion énergétique (panneaux solaire), industriel et irrigation. Dans ce cas, les acteurs locaux (collectivités, associations, population locale s’emparent du site pour le « revaloriser ».
Dans le cadre du Programme JASSUR ( étude des fonctions, usages, modes de fonctionnement, avantages et risques des jardins associatifs urbains) les enquêtes et mesures révèlent que la qualité des sols des jardins urbains est encore souvent méconnue et préoccupe moins que la qualité de l’air.
Quelles limites ?
Il reste difficile d’évaluer les risques de pollution
→ Il y a un réel manque de connaissance scientifique (comment va évoluer la pollution? comment l’arrêter? quels sont les risques réels?) mais aussi locale (quelle histoire ? Quels anciens usages du site? Qui se rappelle ?)
Pour les jardins en création on va vers une procédure de l’évaluation mais pour les jardins existants il y a un déficit d’information (ou peut-on faire une analyse, veut-on vraiment savoir la qualité de son sol?)
→ Le plan de gestion « pollution » (diagnostic, analyses et études) a un coût élevé
→ Et la mise en œuvre visant à traiter la pollution est très complexe et très coûteuse
Quelles nouvelles perspectives soulignées par les sociologues
→ D’une procédure d’instruction basée sur l’avis exclusif des experts sans concertation du public, , on passe au « débat public » entre scientifiques et locaux, pour aller vers une « co-production de savoirs » entre ces deux mondes ;
→ Notion de « DÉMOCRATIE TECHNIQUE » émergente, basée sur le dialogue et l’échange entre profanes et spécialistes.
TROISIÈME VOLET
Quelles gestions de la pollution?
- Le droit français appliqué au sol pollué.
→ Le droit ne prend pas en compte les services que le sol rend à l’écosystème. Il intègre juste le risque sanitaire.
→ On perd l’équivalent d’un département tous les 10 ans.
→ Malgré un travail de lobby la loi sur la biodiversité ne prend toujours pas en compte le sol dans le code de l’environnement.
→ Dans l’esprit des gens il existe une confusion entre la valeur et la fonction du sol d’une part,
et les intérêts du foncier, du monde agricole et de la propriété privée. La logique environnementale est opposée à la logique d’usage.
→ Il n’existe aucune définition propre de la pollution du sol dans le droit ; donc il n’y a aucun référentiel sur lequel s’appuyer en cas de pollution, surtout quand elle est diffuse.
Une proposition de définition cependant :
« Un sol est dit pollué lorsque saturé, il dépasse sa capacité d’auto régénération. »
Dans le cadre de la loi ALLUR, une amélioration de l’information sur la qualité des sols est prévue à partir de 2019.
2.Les pratiques de réhabilitation des sols pollués : quelles solutions alternatives pour une gestion durable des pollutions diffuses ? ?
Ces pollutions pouvant affecter de grandes surfaces, c’est le traitement in situ qui semble le plus pertinent, et qui est a seule option durable, pour des raisons économiques*, mais aussi de préservation de la ressource et de ses fonctions.
Seules quelques techniques existent :
*Coût de l’excavation: exemple du jardin des églantiers à Nantes, dont la moitié des parcelles étaient contaminées en plomb et arsenic. Terrassement sur 50 cm, enlèvement et apport de terre végétale : coût 200 000€ pour 3200 m2
Le BIOVENTING:
C’est l’injection d’air dans le sol pour stimuler les micro organismes. Cette méthode est utilisée pour les polluants organiques ( type diesel, ??)
La PHYTOREMEDIATION
C’est un principe de dépollution basé sur les plantes et leurs interactions avec le sol et les microorganismes. Cette technique concerne plus particulièrement l’épuration des eaux et la dépollution des sols. C’est ce volet qui nous intéresse au Transfo.
La phytoremédiation recouvre différents procédés :
La phytovolatilisation
Les plantes absorbent l’eau de la croûte terrestre contenant des contaminants organiques et autres produits toxiques, les transforment en éléments volatils et les relâchent dans l’atmosphère via leurs feuilles.
La rhizodégradation
C’est la dégradation des contaminants, pour la plupart organiques, sous l’action des racines et des micro-organismes associés. Elle se déroule dans le volume de sol sous l’influence des racines, appelé « rhizosphère ».
La phytodégradation
C’est le procédé qui cherche à favoriser la biotransformation des polluants organiques à l’intérieur des tissus végétaux,
La phytoextraction :
La plante sert d’extracteur de contaminants tels que les métaux . Cette méthode est encore très peu employée car elle est très lente Des expérimentations sont menées par l’université de Nantes : sur des parcelles du jardin des Églantiers à NANTES:
Quelques exemples :
-Les associations légume excluant et plante hyper accumulatrice , par exemple la tomate(qui n’absorbe pas le plomb) et la moutarde brune( qui l’absorbe dans ses feuilles) ;
-les associations culture alimentaire et plante hyper accumulatrice : exemple le maïs, et le sedum alfredi qui absorbe le zinc et le cadmium et permet la consommation du maïs.
On peut ajouter des bactéries au sol ( bioaugmentation) qui vont stimuler la croissance de la plante et donc la concentration des métaux extraits.
Que fait on ensuite de la plante-déchet ?
On coupe la végétation une fois qu’elle est bien développée et on récupère les résidus pour les valoriser de différentes façons(énergie, si chaudière adaptée, biocatalyseurs ou biofortificateurs).
La phytostabilisation
C’est l’utilisation d’un couvert végétal pour diminuer le transfert des polluants, en réduisant leur dispersion par érosion et en limitant leur absorption par des organismes vivants via la solution du sol ; ce dernier objectif revient notamment à diminuer leur biodisponibilité.
Une expérience est tentée sur le site de l’Escalette ( dans le parc national des Calanques à Marseille) C’est une ancienne mine d’extraction de métaux, et les dépôts de scories (déchets de métallurgie) entraînent une pollution du sol à l’arsenic au plomb .
→ Essai de phytostabilisation avec la végétation locale (coronille, pistachier et une graminée). Plantes sélectionnées après étude du potentiel de phytorémédiation.
Les résultats sont encourageants
Voir le schéma ci-dessous, qui concerne ce site.
C’est surtout ce dernier procédé qui va nous intéresser au Transfo.
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Conclusion
Ce colloque fait écho avec l’actualité du site. Un point sur les analyses de sol du site a été fait courant mars. Le département a donc par le biais de son technicien ENS Jérémie Belliot sollicité le bureau d’étude Veritas à une rencontre sur place.
A retenir :
- de nouvelles analyses à l’emplacement des cuves vont être faites mais cette fois avec un plus grand nombre d’échantillons. Les derniers résultats montraient un taux très élevé d’hydrocarbures.
- une analyse du sol sur l’ancienne dalle (aujourd’hui bosquito) sera ré-itérée. L’idée est de suivre l’évolution de la qualité du sol avant/après bosquito.
- des piézomètres (instruments de mesures qui se présentent comme de petits poteaux fixes) vont être installés à trois endroits du site. L’objectif est de mesurer sur trois points amont/au milieu/aval, l’eau dans le sol afin de déterminer la circulation/l’origine de l’eau et des contaminants. Ce suivi intéresse également l’IAV par rapport à la gestion des crues.
Compte-rendu co-écrit par Bénédicte Vidaling et Claire Toulet, adhérentes.